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Aimer et être aimé à l'école , Nicole DELVOLVÉ

L’ergonomie peut-elle être au service du monde scolaire ?

NUMÉRO


2023

Être aimé à l’École pour aimer l’École tel est le projet défendu par l’ergonomie.  « Le verbe aimer est difficile à conjuguer : son passé n’est pas simple, son présent n’est qu’indicatif et son futur est toujours conditionnel » (Jean Cocteau). Être aimé à l’École quand on est élève est, pour une grande part, conditionné voire déterminé par les représentations que les adultes ont des éléments qui définissent ses conditions de travail afin de lui permettre de s’épanouir dans la joie et l’efficacité.

Cet objectif ambitieux nécessite, dans un premier temps, de définir les contraintes liées aux apprentissages scolaires en termes de conditions de travail. Cette approche globale du travail scolaire s’appuie sur une discipline scientifique appelée l’ergonomie. L’ergonomie, qui souffre d’une représentation erronée qui la réduit à une conception uniquement matérielle des postes de travail. Le bon écran, par exemple !

L’ergonomie est une science humaine dont le but est de mettre en place un véritable compromis entre les connaissances sur le facteur humain et les contraintes qui lui sont imposées pour réaliser le travail prescrit. Les notions de compatibilité ou d’adéquation sont les finalités visées par l’ergonome. Quand il y a conflit entre ce qu’est l’opérateur du point de vue biologique, psychologique, cognitif, conatif, et les conditions de travail auxquelles il doit répondre, impliquant les relations humaines mais aussi les organisations temporelles, matérielles, économiques, c’est souffrance pour l’opérateur. Quand il est demandé à un élève d’apprendre alors que son contexte de vie et de travail scolaire ne lui permet pas de satisfaire ses besoins biologiques, psychologiques, affectifs, sociaux, alors il n’arrivera plus à apprendre. Quand il est demandé à un élève d’entrer dans la lecture alors qu’il n’a pas encore construit dans sa tête les mémoires réflexes qui lui permettent de discriminer les sons, il aura une perception négative de ses capacités à apprendre et risque de se mettre en retrait des apprentissages. Les adultes le diagnostiqueront « élève à besoins particuliers » et l’engageront vers une parcours personnel inutile et terriblement néfaste.

Car, l’expression première de ce conflit, au sens ergonomique du terme, pourra être d’abord des difficultés d’apprentissages trop vite interprétées en troubles du développement avec toute la kyrielle des dys., avec un nombre croissant d’élèves diagnostiqués TDAH, puis apparaîtra le repli sur soi, le refus de s’investir, l’absentéisme, la violence, etc… Ces profils comportementaux sont le plus souvent traités de manière curative. Pourquoi attendre les effets de conditions de vie et de travail délétères avant d’intervenir ? L’ergonomie insiste pour un traitement préventif des dysfonctionnements observés et quantifiés.  

Quelle place est donnée, à l’heure actuelle, à la compétence ergonomique pour définir les conditions de vie et de travail dans les établissements scolaires ?

Un inventaire bibliographique confirme le faible engagement de l’ergonomie pour comprendre et analyser les réalités de travail vécues par les élèves en France[1], centrant ses études sur le poids des cartables, la conception du mobilier ou l’utilisation des nouveaux supports informationnels. Quant au travail des enseignants, tous les travaux en soulignent la complexité[2] et associent le travail de l’enseignant à un travail d’ingénierie des savoirs[3]. Tardif [4] qualifie le travail des enseignants « de chaine de production » l’inscrivant dans une vision taylorienne et évoquant ainsi la parcellisation du travail pour les enseignants ; notons qu’il en est de même pour les élèves évidemment. Le travail de l’enseignant est souvent décrit en trois étapes :

  1. Du contrat professionnel
  2. Au contrat didactique (ce que les élèves doivent apprendre) pour définir
  3. Les activités à mettre en place en classe.

Dans ce déroulé, il est clair qu’il n’y a guère de place à la prise en compte de l’ensemble des contraintes que chacun supporte durant le travail.  Cette approche, inspirée de la sociologie, se centre sur la façon d’enseigner et éloigne la possibilité que les prises de décision du professeur prennent en compte les aspects contextuels de la situation. Peu de place est donnée à une approche globale des conditions de vie et de travail des uns et des autres. Mais nous savons tous que l’efficacité de l’action de l’enseignant est fonction aussi de ce qu’ont fait les élèves avant son cours : s’ils arrivent de récréation, s’ils ont eu déjà deux contrôles depuis le matin mais aussi s’il n’y a pas de stores dans la classe et que les rais de soleil empêchent les élèves de voir ce qui est projeté sur le tableau blanc interactif ou si le professeur lui-même n’a pas dormi la nuit précédente, etc.

Le constat qu’il y a trop de situations de souffrance dans les établissements scolaires, pour les élèves et également pour les adultes, permet d’affirmer que l’ergonomie aurait sa place dans ces contextes de travail s’il est souhaité d’en contrôler les dysfonctionnements observés en termes de santé des individus mais aussi de santé de l’entreprise École et donc d’efficacité des apprentissages et d’épanouissement de chacun.

Mais pourquoi l’ergonomie n’a-t-elle pas investi ce monde-là de travail ?

Une première réponse est liée à l’histoire même de l’Ecole. Le Ministère de l’Instruction (1828) puis le Ministère de l’Education Nationale (1932) ont exigé des établissements scolaires qu’ils soient le lieu du transfert de savoirs savants scolaires. Limiter la mission de l’école à transmettre des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être réduit le champ des possibles quand les objectifs de compétences ne sont pas atteints. Et ce filtre conduit vers un behaviorisme primaire encore très présent dans l’analyse du travail des enseignants et des élèves : « bon » ou « mauvais » enseignant, « bon » ou « mauvais » élève, sont des diagnostics souvent donnés par ceux qui observent ces contextes de travail !  Gagné (1965)[5], Bandura (1995)[6] et d’autres sont d’accord pour souligner la multiplicité des déterminants du comportement humain, « expression de l’interrelation dialectique permanente entre le sujet et son milieu, le sujet étant porteur de son histoire personnelle » (Campan,2010)[7]. Pourquoi donc dans le contexte scolaire est-on surpris de la singularité du comportement des élèves, de leur hétérogénéité ? Ils ne seraient pas des individus ? Juste des creusets à remplir !

Une deuxième réponse se trouve dans l’idéologie du milieu du siècle dernier qui postule que l’individu est un être essentiellement social. C’est le groupe qui compte. Les sociologues analysent à l’heure actuelle les dysfonctionnements observés dans le système scolaire par la nécessité de mettre en place des relations interpersonnelles plus pertinentes. Une École bienveillante. Un climat scolaire apaisé. Nous sommes tous d’accord sur l’importance de relations interpersonnelles harmonieuses pour que chacun se sente bien dans son travail. Pourtant des relations interpersonnelles les plus heureuses possible n’assouviront pas la faim chez l’élève qui n’a pas eu un petit déjeuner complet avant d’entrer en classe et sa fin de matinée ne sera que souffrance. Elles ne permettront pas à l’élève qui a besoin de sommeil au moment de la pause méridienne d’être disponible pour investir les ateliers proposés par l’enseignant l’après-midi. Ces différentes observations forcent le constat que les connaissances sur les besoins biologiques des élèves se sont effacées devant une conception sociologisante de l’être humain. En effet le courant du socioconstructivisme a alimenté depuis la moitié du siècle dernier, jusqu’encore à nos jours, les travaux des pédagogues et des chercheurs en sciences de l’éducation. Dans cette littérature spécialisée, il semble que les pédagogies par groupes, les pédagogies collaboratives et les « conflits sociocognitifs [8] » associés, permettraient aux élèves de mieux apprendre. L’ergonomie défend l’évidence que l’objet qu’il soit pédagogique, didactique, organisationnel, spatial ou autre, ne peut à lui seul prétendre composer et maintenir l’équilibre dans lequel celui qui fait doit être pour faire. L’obsession de l’ergonome est de trouver le meilleur équilibre possible, la meilleure adéquation possible entre le facteur humain défini par ses différentes facettes, biologiques, psychologiques, sociales, et les contraintes contextuelles. Une des très grandes erreurs de ces cinquante dernières années c’est d’avoir oublié que l’Élève, comme tout être humain, est, avant d’être un être social, un être biologique et psychologique.

La troisième raison est le développement dangereux de démarches curatives pour traiter les problèmes rencontrés dans le monde scolaire. Comme si cela était si facile d’être Élève ! Le diagnostic précoce des difficultés d’apprentissage des élèves est programmé par l’Institution scolaire dès l’École maternelle. Les enseignants sont invités à repérer les élèves en déficit attentionnel ! Paradoxe quand on sait qu’ils sont justement en train de construire les mémoires automatisées que les neurobiologistes nomment processus cérébraux attentionnels, c’est-à-dire les clefs pour un développement intellectuel le plus harmonieux possible. Nous notons une réelle tendance à la médicalisation à outrance des difficultés d’apprentissages qui sont requalifiés sans état d’âme de troubles.  Ces derniers sont traités en dehors de l’école par des spécialistes comme psychologues, orthophonistes, voire psychiatres, etc. Certes pour un tout petit nombre d’élèves c’est le seul chemin à suivre pour traiter leurs troubles. Mais pour tous les autres ? La plasticité de leurs jeunes cerveaux, scientifiquement démontrée, ouvre des espoirs immenses sur l’idée de n’en laisser aucun sur le bord du chemin des apprentissages. Pourquoi l’École a-t-elle un tel retard dans la prise en compte des connaissances développées en neurosciences ergonomiques ? 

La dernière cause à noter -même s’il y en a peut-être d’autres – est la difficulté à faire changer les représentations collectives sur l’École. C’est l’idée que travailler c’est souffrir.  Pourtant s’il est souhaité que l’École leur apporte toutes les clefs pour avoir un avenir le plus heureux possible il faut qu’ils puissent s’en saisir. Il faut que « chaque élève apprenne avec plaisir et chaque enseignant enseigne avec bonheur[9] ». Pourquoi cette réflexion n’est-elle pas une évidence pour tous ?

Nous comprenons donc qu’un tel contexte idéologique explique – pour partie – les représentations actuelles associées au système scolaire français. Il justifie les résistances à une approche globale ergonomique des conditions de vie et de travail dans les établissements scolaires. Mettre sur le même plan les programmes mais aussi les espaces, les organisations, les horaires, les outils pédagogiques, les supports didactiques, l’aménagement des temps périscolaires, …, et comprendre que tous ces éléments, interagissant les uns sur les autres, composent les conditions de vie et de travail dans un établissement scolaire, suppose une compréhension interactionniste du comportement humain. Pourtant, l’Ecole de Palo Alto et la cybernétique[10] ont permis d’ouvrir de nombreuses portes pour comprendre le monde comme les lois de la physique et d’autres champs de savoirs savants ; mais, à l’École, les représentations sont restées très longtemps figées sur une compréhension linéaire du comportement humain.

En bref, les représentations partagées par beaucoup sur les situations d’apprentissages scolaires permet de comprendre que, dans ce contexte de travail, il y a peu de place pour une approche locale des réalités.  En ergonomie, l’équilibre d’une situation de travail se construit sur la recherche du meilleur compromis possible  entre les réalités locales et le respect des besoins fondamentaux des élèves (bien évidemment aussi ceux des enseignants et des autres adultes), ensemble de connaissances sur le facteur humain qui ont la caractéristique évidente suivante : elles sont généralisables à toutes les situations d’apprentissage scolaire quel que soit le niveau scolaire des élèves, quelle que soit la localisation géographique de l’établissement, quel que soit le contexte culturel et social personnel dans lequel l’élève grandit. Pourquoi donc se priver de ce corpus de connaissances ?

Que faire alors ?

L’approche ergonomique du travail scolaire s’appuie sur quatre grands principes :

  1. Le premier principe est une évidence et renvoie à sa juste réalité la notion d’hétérogénéité des groupes d’élèves. Il n’est pas inutile de réécrire que les seules connaissances qui soient transférables à tous les établissements scolaires, quels que soient les niveaux scolaires des élèves concernés, quels que soient les milieux sociaux, économiques, géographiques ou autres dans lesquels ils vivent,  sont les mêmes pour tous, et rassemblent leurs besoins fondamentaux : les besoins biologiques ( alimentation dont la collation du matin, sommeil nocturne, sommeil diurne pour les plus jeunes ou repos diurne pour les plus grands, etc..), les besoins psychologiques et sécuritaires (la confiance dans le réussite scolaire par chaque élève est la base pour définir des dispositifs pédagogiques comme les modalités d’évaluation, par exemple) et des besoins d’outils ( apprendre à utiliser la mémoire de travail, apprendre à apprendre des leçons, par exemple). Pourquoi, lors de la programmation des emplois du temps, les rythmes chronobiologiques[11] qui caractérisent le fonctionnement du cerveau humain ne sont-ils pas pris en compte dans le difficile compromis que doivent faire les chefs d’établissement ? Car ces rythmes, caractéristiques du cerveau vivant, permettent d’affirmer que l’Élève ne peut pas faire n’importe quoi n’importe quand avec la même efficacité. Pourquoi, dans certains établissements, la normalisation dangereuse du développement des enfants justifie de priver de sieste tous les plus grands alors que, parmi eux, il y en a qui ont encore un besoin biologique de sommeil ? Délétère et paradoxal, puisque c’est pendant le sommeil qu’un jeune élève consolide les apprentissages qui précèdent l’entrée dans le sommeil. Pourquoi les modalités d’évaluation ne permettent-elles pas, toujours, aux élèves de comprendre ce qu’ils savent de ce qu’ils ne savent pas encore ? Un moyen pour que les élèves restent confiants en eux. Pourquoi n’y a-t-il pas sur le mur de chaque classe une affiche « règles pour comprendre et apprendre » ? Les enseignants auraient, enfin, un outil de dialogue avec les élèves quand les apprentissages n’ont pas été acquis. Etc…. Quelques exemples pour rendre compte que parfois les élèves ne peuvent pas satisfaire leurs besoins biologiques et psychologiques, condition première pour aller vers la réussite tant attendue par tous, eux-mêmes, leurs enseignants et leurs parents.
  2. Le deuxième principe sur lequel s’appuie l’approche ergonomique du travail scolaire est le suivant : l’objectif de tout changement devra conduire vers des conditions de vie et de travail améliorées (Delvolvé, 1992, 1999)[12][13]. En effet, tout changement doit prendre en compte la réalité vécue par les élèves afin qu’il se traduise par un respect renforcé de leurs besoins fondamentaux. Une situation parmi tant d’autres : dans le souci du respect des besoins des élèves, l’importance d’un vrai petit déjeuner avant de commencer une matinée de classe s’impose. Les observations dans les établissements scolaires en France conduisent à constater qu’ils sont obligés, pour satisfaire ce besoin, de prendre en compte la globalité des temps de vie des élèves et d’inventer des réponses en fonction des réalités qu’ils vivent. Tel lycée, devant le constat que les élèves prenaient un car de ramassage pour arriver à l’heure dans l’établissement très tôt le matin au risque de ne pas avoir faim avant de quitter leur domicile ( le cerveau n’a pas encore réveillé les centres cérébraux de la faim, voir les données de la chronobiologie), a décidé de retarder l’entrée en cours le matin de façon à ce que tous les élèves, ayant bien compris – lors de projets pédagogiques conduits par leurs enseignants –  que le cerveau humain est très exigeant au niveau nutritionnel, puissent prendre un vrai petit déjeuner avant de commencer les cours. Telle école élémentaire qui permet à tous les élèves qui en éprouvent le besoin de prendre une tranche de pain et une barre de patte de fruit accompagnés d’un verre d’eau ou de lait avant d’entrer en classe. Etc.. Bref, les établissements résolvent le problème de la nécessité que chaque élève ait pris une vraie collation avant d’entrer en classe ou en cours en prenant en compte les réalités locales.
  3. Le troisième principe reconnait la notion de choix à risque à priori et la nécessité d’accepter des compromis comme une base fondamentale dans l’aménagement ergonomique des situations d’apprentissages scolaires. Car, comme dans toute situation de travail, il y a des contraintes non négociables qui d’évidence peuvent contrarier l’objectif d’équilibre, mettant à mal le respect des besoins fondamentaux des élèves (comme, par exemples, les horaires des cars de ramassage scolaire ou l’évolution des temps hebdomadaires[14]). L’ergonome doit alors analyser la situation pour comprendre sur quel bouton appuyer pour rééquilibrer une situation de travail en difficulté.  Les situations dites de stress – au sens biologique du terme – vécues par les élèves sont nombreuses : citons les modalités de récréation, les déplacements intercours de salle en salle, les activités périscolaires intensives qui font que les élèves entrent en classe ou en cours très énervés. Alors, les enseignants pour permettre aux élèves de retrouver des ressources vont leur demander de faire une courte pause de silence[15]. Ils vont essayer de trouver le meilleur compromis possible entre des moments difficiles vécus par les élèves et la nécessité qu’ils soient disponibles pour apprendre.
  4. Enfin, le quatrième principe souligne qu’un choix, qu’il soit organisationnel, technique, humain, n’est pas toujours transférable tel quel. L’ergonomie met en garde contre l’idée que des modèles, extraits de situations scolaires et de politiques éducatives développées au-delà de la France, puissent être transférées dans les situations scolaires françaises en gardant leur efficacité. Elle affirme qu’il en est de même en fonction des établissements scolaires français.  L’ergonomie défend l’idée que chaque situation scolaire et de vie est singulière ce qui signifie qu’un choix heureux à un endroit pourrait être inadapté ailleurs. Prenons l’exemple des temps de travail des élèves en présentiel avec leurs professeurs, polémique s’il en est une ! En effet il est possible d’imaginer réorganiser les temps des uns et des autres en s’appuyant sur ce qui se fait dans des pays européens. Sauf que dans ces pays qui proposent aux enseignants d’être présents dans les établissements alors qu’ils ne sont pas en situation de cours ou de classe avec leurs élèves, chaque enseignant a un bureau personnel pour recevoir individuellement les élèves qui le souhaitent ou préparer leurs cours, ou corriger les évaluations. En France, juste une salle des professeurs hyper bruyante leur est proposée !

Pour qu’une organisation puisse être copiée sans dégât, les décideurs doivent s’être assurés que les choix transférés répondent à l’exigence suivante : la transformation programmée permet que les élèves puissent respecter encore mieux qu’avant leurs besoins fondamentaux sans avoir détérioré les conditions de travail des adultes et en particulier celles des enseignants. Seulement et seulement si cette condition est acquise, alors, le transfert pourra se faire car le futur contexte de vie et de travail génèrera une situation plus adaptée aux besoins des élèves et au respect du travail des enseignants.

Quand tous ces critères auront été vérifiés, alors et seulement alors, la mise en place du changement sera validée.

Pour conclure, faisons un peu de prospective…

Les conditions réelles de travail des élèves et des enseignants sont le résultat de l’ensemble des éléments composant leurs situations de travail. Parmi ces éléments, les supports didactiques s’appuyant sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication au service de l’enseignement envahissent le mode scolaire et pourraient générer des problèmes ergonomiques. Certes l’ergonomie ne refuse pas cette évolution mais elle voudrait pouvoir l’accompagner pour le mieux-être de chacun et l’efficacité des apprentissages. Le numérique fait son entrée dans les situations d’apprentissage scolaire. L’utilisation d’écrans à visées didactiques et pédagogiques, les classes inversées, les MOOC (Massive Open Online Course), « l’adaptative learning » (programme d’activités adaptées aux profils de chaque élève) se développent. Dans les décennies futures, les situations scolaires telles qu’elles sont actuellement, avec des enseignants en présentiel face aux élèves, auront peut-être disparues ? Ces évolutions vont entraîner des changements importants au niveau des conditions de travail des élèves. S’en soucie- t-on ? A-t-on posé des directives pour limiter le temps d’exposition des élèves face aux écrans quand les tablettes font une apparition massive dans leur journée de travail ?

Face à cette évolution très rapide des supports didactiques et des modalités pédagogiques, il est urgent d’intervenir vers les décideurs, les acteurs de l’Education nationale, vers les collectivités territoriales, vers les parents et vers les associations afin que tous comprennent l’importance des conditions de vie et de travail dans les établissements scolaires. Tout doit être entrepris pour les améliorer car elles sont un des déterminants de la réussite scolaire de l’Élève et de l’École. Cette approche ergonomique permettrait de comprendre pourquoi malgré toutes les innovations en terme didactiques, malgré toutes les exigences de « nouvelles pédagogies dites alternatives » proposées voire parfois imposées aux établissements scolaires, il y a toujours trop d’élèves en difficulté.  L’ergonomie est convaincue que seules les innovations qui s’appuient sur une prise en compte de l’ensemble des conditions de travail des élèves en recherchant pour tous les jeunes, un équilibre global dans leur situation d’apprentissage sont efficaces. L’exemple du dédoublement de certaines classes peut s’inscrire dans ce cadre.

Pour ceux qui sont élèves, pour ceux qui sont professeurs, l’ergonomie ne peut être indifférente aux réalités actuelles. Et elle doit penser les réalités futures. Elle s’appuie sur le postulat qu’aimer c’est connaitre, qu’aimer c’est comprendre et accepter les différences. Telle est la mission qu’elle s’est donnée pour l’École.


[1] N, DELVOLVÉ, Les temps et les espaces au service des apprentissages des élèves – séminaire éducation prioritaire LECGS, Toulouse,2020.

[2] F, COUTAREL, Enquête sur les conditions de travail auprès des professeurs d’éducation physique et sportive et perspectives d’action, in Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé, revue PISTES, 17(1), pp 1-24, Paris, 2015.

[3] P, PASTRÉ, La didactique professionnelle, PUF, Paris, 2008.

[4] M, TARDIF, Le travail des enseignants au quotidien, De Boeck, Bruxelles, 2000.

[5]R.M., GAGNÉ, 1965, The conditions of learning, N. Y. , Holt, Rinehart et Winston, 1965.

[6]A., BANDURA, L’apprentissage social, Paris, Mardaga, 1995.

[7]R., CAMPAN ,  F., SCAPINI,  Ethologie. Approche systémique du comportement, Bruxelles, De Boeck, 2010.

[8] R.W. REIBER , The collected works of L.S. Vygotsky. Problems of the theory and history of psychology, Plenum Publishing Co., N. Y., 1997.

[9]J.A., COMENIUS, La grande didactique ou l’art universel de tout enseigner à tous, trad. de M.-F., Bosquet-Frigout, D., Saget, B., Jolbert, 2éme ed., Paris, Kincksieck, 2002.

[10] D., PICARD, E., MARC, L’école de Palo Alto, Paris, PUF, 2013.

[11]https://enseignement-catholique.fr/video/rythmes-scolaires-et-egalites-des-chances, 2017

[12] DELVOLVÉ, N, TRÉZÉGUET, M, THON, B, « L’organisation du travail, facteur de modulation des performances mnésiques de l’élève en situation éducative », Le Travail Humain, 1994.

[13] DELVOLVÉ, N, JEUNIER, B, « Effets de la durée du week end sur l’état cognitive de l’élève en classe au cours du lundi, Revue Francaise de Pédagogie, 126, 1999.

[14] DELVOLVÉ, N, DAVILA, W, « Effets de la semaine de quatre jours sur l’Élève », Enfance, 4, 1994.

[15] DELVOLVÉ, N , TRÉZÉGUET, M,  « Fatigue et Pause : une approche ergonomique en situation éducative », A.N.A.E.,1998.

Édito « Quelle liberté à l’école ? »

par Baptiste JACOMINO
« Quelques semaines après avoir été nommé pour la première fois chef d’établissement, je rejoins les élèves de Terminale de mon lycée à la campagne, pour la conclusion de deux journées de récollection qu’ils viennent de vivre. J’entre dans la salle où ils sont rassemblés. Ils sont debout. Ils discutent, ils rient. [...] »

Entretien avec Rémi Brague

par Géraldine MAUGARS
« Que tout homme, indépendamment de son sexe, de son statut social (libre ou esclave), de son appartenance au peuple élu ou non (Juif ou « grec »), ait reçu de son rachat par le sacrifice du Christ une dignité qu’il ne peut plus perdre, c’est ce que dit saint Paul (Galates, 3, 28). [...] »

Le bol de riz est-il obligatoire ?

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« Déléguée de tutelle des sœurs du Saint Sacrement, j’apprends au détour d’une conversation dans un établissement du second degré que le bol de riz sera obligatoire pour tous ceux qui mangeraient ce jour-là à la cantine. Les autres seraient donc tenus de manger à l’extérieur. [...] »