Accueil > Revue >Aimer et être aimé à l'école > Faire alliance : une charte pour les établissements du réseau inter-tutelles congréganistes Grand-Sud
Aimer et être aimé à l'école , Catherine JOUVION

Faire alliance : une charte pour les établissements du réseau inter-tutelles congréganistes Grand-Sud

NUMÉRO


2023

Il est des projets qui naissent soudainement et d’autres qui, lorsqu’ils apparaissent, sont en réalité l’éclosion au grand jour d’une croissance couvée en pleine terre et préparée de longue haleine.

Voilà donc déjà longtemps que la Présentation de Marie a fait creuser le sillon de la relation à l’autre comme source de notre mission et de notre humanisation. Relation « graine d’amour » indispensable et réciproque, germe du caractère propre des établissements du réseau AGI. C’est à cette lumière que depuis plusieurs années, la tutelle guide les équipes pour y semer des outils de réflexion et d’actions, pour nourrir et enrichir les pratiques professionnelles. La terre était donc bien préparée…le bon grain n’avait plus qu’à germer et à croitre.

Et c’est donc sur cette terre qu’ont pris racine la réflexion et l’ambition portées dans notre charte. Elle est le fruit d’une culture enracinée de la veille et de l’ambition pédagogique. Ainsi, c’est lors d’une session proposée aux personnes ressources en janvier 2020, et intitulée « Éthique des gestes professionnels » que nous avons engagé la réflexion et l’élaboration d’une charte déontologique autour de la relation.

Puis Elena Lasida, lors d’une session des chefs d’établissements et adjoints, auteure du livre « Le goût de l’autre », nous a donnés à voir l’établissement scolaire comme un village de l’éducation, un espace partagé, une maison commune. Elle nous a ainsi invités à vivre une véritable culture de la rencontre, qui engage chacun à mettre la relation au cœur du quotidien. Elle nous a engagés à relire la qualité relationnelle de nos établissements. Cela nous a renforcés dans l’écriture d’une charte relationnelle.

Nos objectifs étaient simples quoiqu’ambitieux. Il s’agissait en premier lieu de réfléchir à la manière de « faire alliance » dans un établissement catholique d’enseignement appartenant au réseau AGI. En effet, cette charte souhaite s’adresser à tous, qui que nous soyons et quel que soit notre fonction et notre place dans l’équipe d’adultes de nos établissements.

Ensuite nous tenions à mettre en miroir les textes de référence de nos fondateurs pour une réelle congruence du projet. Celle-ci se devait d’incarner les valeurs de l’Évangile et au-delà les valeurs et le charisme de nos congrégations. Elle nous donnerait des indicateurs pour relire nos postures. La vision de la relation telle qu’elle nous ait donné dans nos textes de référence est-elle vécue concrètement dans nos gestes professionnels ? dans nos attitudes ?

Le défi de cette charte est donc de rendre explicites les enjeux des dites postures éducatives de manière à les rendre lisibles, partagées et ainsi de mettre en œuvre une éthique de la relation éducative. Nous avons souhaité un texte clair, simple, sans ambiguïté. Le travail entamé lors de la session des chefs d’établissements, adjoints et autres responsables a été mis en forme par des personnes ressources, véritable vivier et force de proposition du réseau AGI.

Les personnes ressources sont des professeurs du primaire ou du secondaire, des adjoints de direction, des documentalistes, des responsables en pastorale, des cadres éducatifs, des chefs d’établissement. Issus de profils différents, ils ont en commun d’avoir été formés durant trois ans afin de mettre leurs compétences au service des autres et des congrégations du réseau.

Souvent retravaillée tant sur le fond que sur la forme par de multiples allez retour entre les différents acteurs, la charte a été présentée aux tutelles sous sa forme définitive le 3 septembre de cette rentrée 2022. Le texte sera diffusé dans les établissements à travers de temps de rencontres organisés. Nous avons choisi de structurer la charte en quatre parties. Chacune de ses parties renvoient aux différentes postures possibles dans le cadre d’une relation éducative.

La première partie est celle de l’engagement dans une posture relationnelle positive tant avec les adultes qu’avec les jeunes : c’est à dire de tout ce qui réfère aux mots clefs de « l’amour du métier », de l’engagement, du témoignage, de l’ouverture, de la formation, de la disponibilité, du respect. En un mot elle renvoie à une manière d’être, un peu pareil à une lumière qui éclaire par ce qu’elle est, qui reste en marche et garde un regard émerveillé et plein d’espérance sur le monde.  C’est « comment je montre qui je suis. »

La deuxième partie porte sur l’accompagnement de l’autre dans l’acquisition de son autonomie, de la volonté de faire « avec » et non « pour ». Ce point est consacré à la façon dont l’attitude éducative doit se moduler tant dans sa manière que dans son intention. Elle renvoie aux postures d’accompagnement, de conseils et à la notion de contrat.

La troisième partie est consacrée à l’alliance avec les autres en conjuguant les « je » pour devenir un « nous ». Elle nous conduit à faire vivre l’apriori bienveillant indispensable à tout accueil de l’autre dans ce qu’il est, dans son parcours, à penser le droit à l’erreur. Elle nous appelle à cultiver l’ouverture, le dialogue et la coopération. Cette partie est celle qui nous demande de penser l’intelligence collective comme source et moteur de progrès et de changement. C’est la relation d’écoute et d’empathie pour que chacun puisse se dire et prendre sa juste place.

Enfin la dernière partie est celle de la posture professionnelle. Dans une profession en pleine mutation elle nous permet de poser des attentes concrètes et explicites. Elle exprime tout à la fois l’exigence et la rigueur de la relation éducative : l’attention à la justice et à l’équité dans nos actes, nos paroles et nos écrits, les notions de tact, le devoir de réserve et de confidentialité, la posture face aux réseaux sociaux… mais aussi la richesse que constitue les autres, comme source d’inspiration, de changement et de croissance. Elle invite à la formation tout au long de notre carrière professionnelle.

Vaste chantier, véritable projet concerté et élaboré à plusieurs voix, la charte se veut un outil de référence face aux questionnements et aux enjeux de notre école de demain. Le texte veut poser sur la relation éducative des mots simples mais vrais qui laissent à l’individu de la communauté scolaire qu’il soit adulte ou enfant, le sentiment d’être reconnu et aimé tout en construisant le devoir de la réciprocité. Loin de se poser comme un carcan normatif et enfermant, la charte est plutôt pensée comme un bâton de pèlerin. Un bâton dont chacun doit pouvoir se saisir sur un chemin où tous peuvent marcher. La charte ne veut pas se limiter à une mise au norme d’un réel mouvementé ou difficile mais plutôt être pensée comme une ambition commune et partagée, un quelque chose sur lequel s’appuyer, qui nous soutient au présent tout en nous ouvrant la route vers demain.


CHARTE
pour les communautés professionnelles
du réseau AGI

Cette charte donne des postures éthiques auxquelles j’adhère. J’essaie le plus possible de les vivre et de les faire vivre.

La charte renvoie aux différentes postures que l’on souhaiterait voir se déployer dans un établissement du réseau AGI. Elle a pour objet de rendre explicite les postures éducatives « idéales », de manière à les rendre lisibles, partagées et ainsi de tenter de mettre en œuvre une éthique de la relation. Elle peut être un outil de cohésion et de cohérence interne entre les professionnels d’un établissement. Ces attitudes sont, bien entendu, en accord avec le référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation (BO du 25 juillet 2013). Elles s’acquièrent et s’approfondissent grâce à la formation, aux échanges de pratiques et à la posture réflexive. Elle fait aussi écho dans nos œuvres médico-sociales. ou le « prendre soin de l’autre » engage toute l’intensité de la relation à l’autre. Celle-ci incarne les valeurs de l’Évangile et font écho aux textes de référence de nos congrégations. Cette charte accompagne nos projets éducatifs comme un bâton de pèlerin, où chemin faisant, elle peut servir à relire nos postures à partir de situations vécues en équipe, lors d’un entretien avec le CE ou entre collègues…

J’adopte une posture relationnelle positive avec les adultes, avec les enfants et les jeunes.

  • J’adhère au projet éducatif et je le fais vivre.
  • Je reste dans une posture d’ouverture.
  • Je prends du recul.
  • Je favorise une pratique réflexive pour questionner le sens de mes actes et de mes paroles.
  • Je sais reconnaitre mes erreurs, elles me sont utiles pour avancer.
  • Je veille à la cohérence entre mes paroles et mes actes.
  • Je cherche à être dans l’exemplarité.
  • Je fais mes choix au regard de l’intérêt collectif.
  • Je travaille et communique avec joie et enthousiasme.

« Les enfants ont toujours l’œil ouvert sur les maitresses : les leçons qu’elles en reçoivent par les exemples se gravent beaucoup mieux dans leur cœur que celles qu’on leur donne par les paroles. » Marie Rivier

J’accompagne l’autre dans l’acquisition de son autonomie

  • Je fais ‘avec’ et non ‘à la place’.
  • Je porte un regard d’espérance pour permettre à chacun de grandir, d’évoluer et de changer.
  • Je peux servir de boussole à l’autre, comme l’autre peut me servir de boussole.
  • J’exerce une autorité juste et ferme mais respectueuse et bienveillante.
  • Je respecte la personne dans son intégralité et dans sa spécificité. 
  • Je suis attentif à la fragilité de chacun dans ce qu’il montre, ce qu’il vit et ce qu’il dit.

« Ce sont les premières couleurs que l’on donne à une étoffe qui y restent mieux que les secondes : elles peuvent se perfectionner mais elles ne peuvent jamais bien s’ôter. » Pierre Vigne

Je fais alliance avec les autres en conjuguant les « je » pour être un « nous »

  • Je fais le choix d’avoir un apriori favorable sur ce que l’autre me dit, sa façon d’agir ou de se positionner. 
  • J’accorde à l’autre le droit à l’erreur.
  • J’ai une attitude de disponibilité, d’écoute et d’empathie pour que l’autre puisse se dire et prendre sa juste place.
  • Je m’ouvre au dialogue, au débat et à la coopération, dans un esprit constructif.Nous sommes plus intelligents ensemble.
  • Je cultive des relations fraternelles.
  • Je prends soin de la maison commune et invite les autres à le faire.
  • J’ose le changement en restant attentif des propositions que je peux recevoir.

Je suis ouvert aux remarques et conseils que l’on peut me donner.

« Allez et avec ce que vous avez et recevez, faites tout le bien que vous pourrez ! » Emilie de Vialar
« Si, par ses fautes, quelqu’un est indigne de ton amitié, Souviens-toi qu’il a en lui l’image de Dieu, qu’il est son ouvrage et veut pour lui le Ciel. » Pierre Vigne, Extraits Heures Nouvelles

J’adopte une posture professionnelle.

  • Je m’enrichis des autres, source d’inspiration, de changement et de croissance.
  •  Je me forme tout au long de ma carrière professionnelle.
  • Je participe à des groupes d’analyse de pratiques professionnelles à chaque fois que c’est possible.
  • Je veille à la justice et à l’équité dans mes actes, mes paroles et mes écrits.
  • J’agis avec tact. 
  • J’ai un devoir de réserve et de confidentialité.
  • J’ai un devoir de signalement si nécessaire. 
  • Je manie avec prudence et discernement mon expression sur les réseaux sociaux.

« Le souci de notre compétence professionnelle est pour nous le signe du sérieux avec lequel nous voulons servir nos frères. Par là, nous signifions aussi que nous ne séparons pas la recherche du Royaume du souci de la promotion humaine et de la poursuite de la justice entre les hommes. »  Constitutions n° 6 des Sœurs du Cœur de Jésus et de Marie.

Cette Charte a été travaillée par les personnes ressources, les chefs d’établissements et les adjoints du réseau AGI. Elle a été validée par le CA de l’AGI le 2 Septembre 2022

Édito « Quelle liberté à l’école ? »

par Baptiste JACOMINO
« Quelques semaines après avoir été nommé pour la première fois chef d’établissement, je rejoins les élèves de Terminale de mon lycée à la campagne, pour la conclusion de deux journées de récollection qu’ils viennent de vivre. J’entre dans la salle où ils sont rassemblés. Ils sont debout. Ils discutent, ils rient. [...] »

Entretien avec Rémi Brague

par Géraldine MAUGARS
« Que tout homme, indépendamment de son sexe, de son statut social (libre ou esclave), de son appartenance au peuple élu ou non (Juif ou « grec »), ait reçu de son rachat par le sacrifice du Christ une dignité qu’il ne peut plus perdre, c’est ce que dit saint Paul (Galates, 3, 28). [...] »

Le bol de riz est-il obligatoire ?

par Chahina BARET
« Déléguée de tutelle des sœurs du Saint Sacrement, j’apprends au détour d’une conversation dans un établissement du second degré que le bol de riz sera obligatoire pour tous ceux qui mangeraient ce jour-là à la cantine. Les autres seraient donc tenus de manger à l’extérieur. [...] »